Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine (USPO)

Entretien avec Sébastien Lagoutte, Président USPO Saône et Loire et membre du groupe de travail numérique de l’USPO

Sébastien Lagoutte, Président USPO Saône-et-Loire et membre du groupe de travail « Numérique » de l’USPO

 

Quel bilan tirez-vous des premières avancées apportées par la vague 1 du Ségur du numérique ?

Ces évolutions étaient nécessaires : nos logiciels avaient pris énormément de retard. Les éditeurs n’ont pas sur prendre le virage de la gestion du dossier patient et nos LGO sont aujourd’hui des logiciels de facturation.

Dans le cadre de Ma Santé 2022, nos LGO doivent nous permettre de communiquer entre professionnels de santé et d’avoir un meilleur partage des données de nos patients, avec l’accès au DMP et à la MSS. Ce qui est chose faite dans la vague 1 et c’est très bien.

Néanmoins, il s’agit d’accès en web-DMP : le pharmacien va se connecter à une page externe au logiciel et c’est sur cette page qu’il va pouvoir consulter le DMP.

Nous avons manqué de temps pour pouvoir intégrer des évolutions propres à notre activité : le pharmacien est un professionnel de santé mobile, à l’officine et en dehors. On ne peut pas demander au pharmacien et à son équipe de passer leur temps avec une carte CPS, un smartphone ou un outil externe et perdre entre 15 et 30 secondes à chaque fois pour se connecter au logiciel et s’identifier à nouveau. Il y une réelle problématique d’authentification du membre de l’équipe officinale, qui n’a pas pu être réglée lors de la première vague. La DNS a très bien compris cette problématique et nous travaillons à trouver des solutions.

Sur cette problématique, la vague 2 va être vraiment très intéressante, puisqu’elle va intégrer le DMP, la DNS et la MSS au sein de nos logiciels de manière native et faciliter, ainsi, le nomadisme au sein de notre officine et en dehors.

Sur quoi portent les réflexions menées actuellement pour la vague 2 ?

La vague 2 va consolider ce qui a été fait en vague 1, notamment sur l’intégration en natif du DMP et résoudre la problématique d’authentification. Concernant l’alimentation du DMP, le logiciel va pouvoir le faire de lui-même sur les quelques items qu’on a retenus en vague 1 : le certificat de vaccination et les bilans et entretiens pharmaceutiques.

Nous travaillons également au rapatriement automatique de certains documents de nos patients tels que la e-prescription ou la biologie et la consultation exhaustive de tous les autres documents à l’exception ceux réservés au médecin traitant et au patient.

Autres sujets pour lesquels nous sommes optimistes : l’intégration de l’application carte Vitale et de la e-prescription. L’application carte Vitale sera un moyen supplémentaire d’authentifier un patient et d’avoir accès à ses droits. Il y aura deux volets : l’intégration au sein de nos LGO, via la vague 2 du Ségur et l’opposabilité des droits, qui passe par la convention et les discussions que nous avons de note re côté avec la CNAM.

Pour la e-prescription, il faut que nous puissions l’opposer au prescripteur. Aujourd’hui, elle n’est opposable qu’aux prescripteurs libéraux. Nous travaillons à ce qu’elle soit opposable à la téléconsultation et à tous les établissements de santé : ce serait un gage de sécurité et de limitation de la fraude.

Pourquoi mettre à jour son LGO dès maintenant et ne pas attendre 2023 et les avancées de la vague 2 ?

Pour plusieurs raisons : tout d’abord, il y a des avancées en vague 1 : si nous allons être contraints dans l’accès au DMP, les premières évolutions nous permettent d’y intégrer les certificats de vaccination, les comptes-rendus de bilans et d’entretiens, et d’accéder à l’application carte Vitale et à la MSS.

Ensuite, parce que les frais de cette première mise à jour sont pris en charge par l’Etat : en tant que pharmacien, cela ne vous coûtera rien.

Enfin, la vague 1 n’est qu’une étape : pour que les éditeurs développent les fonctionnalités de la vague 2 et perçoivent les financements, il faudra que les LGO soient mis à jour en vague 1.

Quel rôle joue l’USPO dans les négociations et les ateliers de travail ?

Notre travail, c’est d’apporter des idées, mais aussi d’avoir une forme de vigilance. La DNS ne connaît pas forcément nos méthodes de travail.

Nous sommes très attentifs à ce que les outils proposés ne deviennent pas des usines à gaz, il faut que cela reste simple pour les pharmaciens et leurs équipes. Il faut que cela nous simplifie le travail, que les outils soient utiles et efficaces au comptoir comme à l’arrière. Et la DNS est à notre écoute.

Dans « partage de données », il y a bien évidemment le fait de diffuser des données, mais aussi d’en recevoir. Il faut aussi que l’on soit vigilant pour que le pharmacien ne soit pas qu’un donneur d’informations mais qu’il soit bien aussi récipiendaire d’autres informations. Et notamment vis-à-vis des autres couloirs (terme utilisé pour désigner les travaux du Ségur du Numérique pour d’autres professions – médecins…) pour qu’ils mettent à notre disposition leurs données ; je pense notamment au couloir des établissements de santé : nous devons recevoir les lettres d’hospitalisation, les ordonnances de sortie d’hospitalisation, les bilans de sortie d’hospitalisation…en temps et en heure et de manière fluide. Et la DNS l’a bien compris, elle est extrêmement bienveillante dans les négociations.

Projetons-nous au-delà de 2024 et de la mise à jour complète des LGO : quels sont les axes d’amélioration proposés par l’USPO ?

Nous devons profiter de cette deuxième vague pour être plus ambitieux. Une de nos doléances concerne la double saisie : aujourd’hui, nous devons régulièrement saisir des informations – par exemple, un résultat SIDEP, une facturation, un entretien – à la fois sur notre LGO et sur un logiciel externe. C’est chronophage et rébarbatif. Ce que l’on demande, c’est que chaque fois qu’un outil externe nous demande une saisie, cette saisie puisse être automatiquement rapprochée de notre LGO. Nous aurions souhaité que cette fonctionnalité soit intégrée en vague 2, mais cela ne sera peut-être pas possible.

Autre doléance : disposer d’une base de données des médicaments opposable, pour échanger plus facilement avec les prescripteurs. Nous parlons d’une base de données des médicaments globale, qui réunit les données administratives (informations tarifaires, informations légales) et les données médicales (RCP, recommandations produit, indications et contre-indications, interactions…).

Nous gardons également un œil très vigilant sur les plateformes publiques ou privées de gestion du dossier patient. Ces plateformes ne sont aujourd’hui pas interopérables entre elles, et pas interopérables avec l’ENS. Nous avons mis en garde la DNS : ces plateformes ne doivent pas remplacer l’ENS. Elles doivent venir s’y greffer et peuvent y apporter leur lot d’améliorations. L’ENS est un système universel et gratuit, qui fonctionne chez tout le monde, et qui sera un gage de sécurité pour les patients et d’efficacité pour les professionnels de santé.

Nous serons également très vigilants à ce que nos nouvelles missions soient bien intégrées à nos LGO. Aujourd’hui, peu d’entre eux sont capables de gérer les entretiens pharmaceutiques correctement et cela doit faire partie des négociations.